Claude Castelain |
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Il prend sa source au-dessus du village
de Saint Bauzille de la Sylve, près de Gignac dans l'Hérault
et se jette dans l'Hérault après 5 km. Laurelle Jean-Pierre Bardi avait vraiment envie que je descende la
rivière qui traverse son village. Pourquoi? difficile à dire... Pour voir si c'était
possible, pour le plaisir de voir un kayak descendre entre les herbes et les
branches, sous les ponts, dans les chutes... Peut-être aussi pour me faire
plaisir car il sait que j'aime descendre tout ce qui coule. Cette rivière est bien différente et bien plus
intéressante que je ne croyais. D'abord elle coule au moins 6 mois par an, elle
n'est jamais à sec et alimente en eau le village, ensuite elle est très
variée et on commence à la source, ce qui est toujours un plaisir. Quand elle se met à couler assez fort, on dit que c'est
pour 2 mois, et on dit même que l'eau viendrait des Vosges... Mais nous n'y
croyons pas, personne n'y croit vraiment probablement, sauf peut-être après
avoir un peu trop bu d'un des très nombreux vins de la région... La source est au pied des collines, à quelques centaines
de mètres du village. Elle est entourée de murs, un reconstruit en béton, les
autres sont en pierres, quand ont-ils été
construits? Probablement il y a des siècles.
On peut évidemment boire cette eau, il suffit de se
pencher du kayak. L'eau apparaît de plusieurs points, transparente, verte
au-dessus des herbes qu'elle couche. A droite elle sort en bouillonnant. C'est facile de
pagayer là, et sans risque de pollution car le kayak est fait dans la même
matière dont sont faits les récipients alimentaires. Nous avions fait une première reconnaissance avec
Jean-Pierre, il y a quelques jours. Assez pour constater qu'il y a par endroit
des branches, des ronces dans le lit de cette rivière, assez pour sortir pour
la première fois cette veste militaire destinée à descendre en kayak une
rivière encombrée de ronces et que je n'ai encore jamais mise. Sa couleur kaki
ce n'est pas ma couleur préférée.
Effectivement il suffit de faire 20 mètres pour être sous les arbres, puis peu après noyé dans la verdure.
N'allez pas croire que c'est tout le temps comme cela: il n'y en a qu'une trentaine de mètre de ronces,
le
reste est différent et varié:
d'abord au milieu des vignes,
plus loin entre les murs et sous les passerelles des premiers jardin du village. Un jeune homme joue du saxophone dans un jardin. Il ne nous a pas vu passer. La rivière est assez large: 3 ou 4 mètres et profonde. Le kayak ne risque pas de toucher le fond.
Nous voici derrière l'école. Un pont très bas. Si le
niveau d'eau était plus élevé, je ne pourrais pas passer à moins de passer à
l'envers : corps sous l’eau, coque en l’air mais je n'aime pas trop me
mouiller, et cela est risqué si le fond n'est pas assez important...
Ce n'est pas le premier pont: le premier à une centaine
de mètre du départ conduit à une vigne, et est assez haut, mais étroit.
Il y a ainsi plusieurs pont très bas, limites. Soit à
l’endroit, couché sur l’avant, je me tire en appuyant les mains sous le pont
pour en même temps enfoncer un peu le kayak car mon dos touche, soit sur le
coté en esquimautage latéral, j'appuie la pagaie au fond. Les passerelles des jardins sont beaucoup plus hautes et
ne gênent pas pour passer.
Mais il en va en kayak et dans de nombreux sports
différemment que dans la vie: là où il n'y a pas de gêne, il n'y a pas non plus
de plaisir. Pour celui qui aime la rivière sportive, un fort courant,
une chute qui gêne la progression, et déjà tout va mieux. De même le grimpeur
n'a pas envie de monter par le sentier. Dans cette contrainte nous trouvons un plaisir. D'autres
contraintes ne nous plaisent au contraire pas...
De l'autre coté du pont, la rue forme un quai. Un peu plus loin, retour à la nature. De nouveau entre des jardins, au coeur du
village. 200 mètres peut-être et je suis derrière la salle des fêtes.
Jean-Pierre connaît tout le monde et tout ce monde regarde l'étonnant kayakiste
qu'il a amené, s'étonne de le voir arriver à passer sous les ponts. Tout cela
fort gentiment. Après le pont de la route, changement de programme:
le
courant s'accélère très notablement, la rivière s'enfonce sous les arbres et
disparaît... J'ai bien fait d'aller repérer à pied auparavant, et de
reconnaître l’endroit précis où je vais devoir m'arrêter car au delà dans un
courant vif, une passerelle au raz de l'eau, puis une chute, 2 mètres, un mur
de face au pied à gauche, une plaque de tôle à droite. Il ne faut pas risquer
de la sauter, quoique les chances d'arriver entier en bas ne sont pas nulles,
mais l'incertitude est trop grande. Il suffirait -là on voit que je n'aime pas
les chutes impossible- d'une solide planche entre le haut de la chute et le bas du mur pour que cela devienne plus
censé. Mais je n'y attache pas assez d'importance pour aller jusqu'à trouver
une planche et l'installer. Un jour peut-être, qui sait? Je m'arrête donc comme prévue en saisissant le tronc du
laurier sauce comme prévu et commence à débarquer difficilement comme prévu car
le kayak est encore en plein courant. Vu l'étroitesse du cockpit et que mes
chaussures ne permettent pas de mettre les pied à plat, j'ai les pieds tordus
depuis le départ et de grosses fourmis dans les jambes. Mais Jean-Pierre est passé en face par
une étroite passerelle et m'appelle, ce sera
en effet beaucoup plus facile de sortir le kayak. Bien que cela ne soit pas prévu et que m'arrêter en face
ne soit pas évident, j'accepte. Je traverse, une jambe allongée, l'autre
repliée. L'abordage se fait pas trop mal, et pour m'aider, pour stabiliser le
kayak, Jean-Pierre prend la pointe arrière, la pointe aval et la serre au bord
pour que je débarque plus facilement. Cela parait pour celui qui ne sait pas
faire de kayak une très bonne manière de m’aider, mais que ce passe t'il alors?
L'avant du kayak part dans le courant. Je ne risque pas de le retenir vu la
vitesse de l'eau, je tombe à l'eau et le kayak s'en va! Dans ma tête le kayak
va probablement passer seul les chutes peut-être se casser, on le retrouvera
quand même probablement en aval. Mais alors, Jean-Pierre en un éclair se
relève, court vers la passerelle, se jette à plat ventre et saisit "au
vol" la bosse avant du kayak. Le kayak est sauvé. Jean-Pierre s'est fait
un peu mal au pouce, car le courant essaye d'emmener le kayak avec force. Je
viens l'aider. De cette péripétie, le novice doit retenir qu’il faut
tenir le kayak par la pointe amont, jamais par la pointe aval. Claude Weismann, qui m'a prêté le petit casque blanc, a
demandé si le Laurelle était hardi (Laurelle et Hardi, rions). Au début c’est
hardi de le descendre à cause des ronces, puis des ponts très bas, dans la
suite le Laurel est hardi! Même très hardi. Le couloir parait sérieusement
difficile.
Ce couloir de moins de 2 mètres de large et de 2 m. de
dénivelé en 15 ou 20 mètres fait partie des choses difficiles que j'ai envisagé
de descendre, je change de casque et met le casque intégral qui me suit dans
les passages très difficiles depuis près de 15 ans. Il m’avait été donné par alors concessionnaire de moto, puis
importateur de voitures indiennes et maintenant journaliste. Françoise regarde, Jean-Pierre se place pour les photos,
et a la corde de sécurité à la main. Quelques mouvements d'échauffement et
d'assouplissement, notamment des épaules, car le kayak dans ce couloir d'écume,
je peux être déséquilibré par de nombreuses causes et obliger de faire des
appuis, et l'épaule du kayakiste est alors exposée... Les kayakistes se
blessent rarement, mais la luxation de l’épaule est le cas le plus fréquent et
est un gros problème, avec plusieurs mois d’arrêt mais heureusement il arrive
qu’il ne reste pas de séquelles. Embarquement en haut de la vigne et même un peu plus, au niveau du départ d'un bief. Un peu de concentration.
Départ. Ca va très vite, c'est pentu, une pierre me dirige vers un mur, le choc devient possible, mais je parviens à redresser,
la descente se poursuit, le kayak va bien droit, c'est fini.
Je m'arrête dans un petit contre à droite avant le bas de la pente. Nous sommes sortis du village, et le Laurelle n'est plus
entretenu. Il y a un petit pont sous le quel je ne peux pas passer et ensuite
sur des centaines de mètres, pratiquement jusqu'au prochain village des arbres,
des branches d'arbre et des taillis à profusion dans le lit, le recouvrant
parfois complètement, non seulement c'est infranchissable, mais cela peut-être
en outre dangereux. J'ai bien repéré l'arrêt avant le pont, la pierre qui dépasse du mur à laquelle je vais m'agripper, le petit tronc coupé juste après au cas où je manque la pierre.
Je repars, cela va assez vite, beaucoup moins qu'en haut,
mais quand même. Je mets le kayak face à l'amont en me servant du minuscule
calme derrière un rocher, saisi la pierre, elle s'arrache du mur ! Saisis le petit tronc, il s'arrache du mur!
J'ai à peine le temps de refaire pivoter le kayak et me retiens avec les mains
contre le tablier du pont. Heureusement, le courant est encore réduit par
l'influence du rocher un peu plus haut. Un débarquement manqué et le kayak qui part seul là haut,
ici un arrêt plus que problématique... Que d'émotions.
En plus j'ai froid. Nous allons laisser pour plus tard la
traversée de Popian, possible sur quelques centaines de mètres et la chute en aval : 3 mètres, 50 degrés
de pente au milieu des cailloux et à 20 mètres d'un bouchon d'arbres. Là encore
il ne faut pas louper l'arrêt. Pour conclure avec les mots de Claude Weismann: le
Laurelle sans grande difficulté au début, tranquille au milieu, est hardi sur la
fin. C'est la première fois que quelqu'un me demande de venir
descendre sa rivière. Je suis très touché par cette attention qui me fait
sincèrement plaisir. |